Carlos antihéros révolutionnaire
Par François-Xavier Freland
Un deuxième procès d’Ilich Ramírez Sánchez alias Carlos s’ouvre ce lundi 7 novembre 2011 devant la cour d’assises spéciale de Paris pour des attentats commis en France en 1982 et 1983 qui firent 11 morts. Carlos, c’est le célèbre terroriste vénézuélien, qui fut arrêté au Soudan en 1994, transféré en France, puis jugé une première fois, avant d’écoper d’une peine de prison à perpétuité. Enquête sur les lieux de sa jeunesse en compagnie du plus jeune frère de Carlos, Vladimir Ramirez.
De notre correspondant au Venezuela
La place El Silencio est au croisement des lieux de pouvoir. Du complexe immobilier où habitèrent les Ramirez, la famille de Carlos, on aperçoit l’Assemblée nationale et les deux tours du Conseil électoral, on discerne le palais présidentiel aussi. L’ancien appartement des Ramirez donne de l’autre côté de cette place bruyante, sur une ruelle plus tranquille. L’édifice, dans un style néocolonial est de bonne conception, une sorte de HLM bourgeois.
Devant la grille du bloc numéro 1, Vladimir, 53 ans, porte-parole de la famille Ramirez montre du doigt un balcon. « Mes premiers souvenirs en familles sont ici. Mes frères ne faisaient qu’étudier et Ilich lisait beaucoup. Mon père était strict, il considérait que ses fils devaient consacrer le maximum de temps à leur formation. C’était un avocat qui gagnait bien sa vie, il voulait qu’on ne manque de rien mais c’était aussi un marxiste conséquent dans sa manière d’être. Il ne voulait pas que ses enfants se laissent divertir par les tentations capitalistes. Ma mère, catholique très pieuse, croyait beaucoup en Ilich, en qui elle voyait un futur ministre ou diplomate ».
A 500 mètres de cet immeuble bien entretenu, sans un graffiti sur les murs, ni même à l’effigie de Carlos, il y a le lycée Fermin Toro, où a fait toutes ses classes le futur « grand combattant révolutionnaire », comme l’a qualifié Hugo Chavez en novembre 2009. Un bastion gauchiste à l’abandon dans les années 80 et rénové depuis par les autorités actuelles qui en ont fait un modèle d’éducation bolivarienne. Sur le large boulevard qui nous y emmène, Vladimir Ramirez s’arrête devant un théâtre : « Autrefois c’était un cinéma, mon frère y allait souvent voir des peplums américains surtout. On aimait bien les histoires de gladiateurs et des films de guerre aussi. On a vu ensemble un film sur le général Patton. (NDLR, Patton était un général américain mal vu par sa hiérarchie, et adulé par ses hommes).
Vladimir Ramirez marche lentement, le regard nostalgique : « Dans les années 70, mes deux frères, Carlos et Lénine, se réfugiaient souvent dans cette impasse juste-là, lorsque la police poursuivait les jeunes manifestants gauchistes. D’ailleurs, la façade de l’immeuble a été repeinte, mais derrière c’est à l’abandon. C’est tout ce que je reproche au gouvernement actuel, il assure seulement, la façade, comme ceux d’avant ». Nous croisons une immense fresque à l’effigie de Simon Bolivar, héros de l’indépendance, avant d’arriver au lycée. Dans la cour, des enfants aux chemises rouges portent tous le même cartable flanqué d’un slogan socialiste. « Carlos n’a pas laissé beaucoup de traces ici, précise, le sous directeur Raul Noguera. D’autres célébrités sont passées, elles sont à l’Assemblée nationale, dans les ministères. Ce sont les idéologues actuels, tous de grands combattants (révolutionnaires) ».
– Et pour vous Carlos c’est quoi ?, demandai-je. Un héros révolutionnaire ou un terroriste comme on a l’air de le dire là-bas ?
– C’est à lui de répondre à cette question. Mais il doit le faire devant la justice vénézuélienne.
« Pour le rapatriement de Carlos », lit-on sur le t-shirt de Vladimir Ramirez : « Mon frère est un exemple à suivre, au même titre que le Che Guevara, il a lutté pour la juste cause palestinienne et été illégalement arrêté par la France au Soudan en 1994. Son procès n’a donc aucune légitimité. Je déplore l’inaction de mon pays pour obtenir son rapatriement ».
Au Venezuela, les jeunes générations ont vaguement entendu parler de Carlos, grâce surtout au film d’Olivier Assayas, Le Chacal. Mais on connait surtout Edgar Ramirez, l’acteur glamour qui n’a de commun avec le vrai, Ilich Ramirez, que le nom.
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